The Beatles


Pays | Royaume-Uni |
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Genre | Rock 'n' roll, pop, rock, rock psychédélique, musique expérimentale (voir liste détaillée) |
Années actives | 1960?1970 (réunion, 1994?1996) |
Site officiel | www.thebeatles.com |
The Beatles ([ð? ?bi?t?lz]) est un quatuor musical britannique originaire de Liverpool, en Angleterre. Le noyau du groupe se forme avec les Quarrymen fondés par John Lennon en 1957, il adopte son nouveau nom en 1960 et, à partir de 1962, prend sa configuration définitive, composé de John Lennon, Paul McCartney, George Harrison et, le dernier à se joindre, Ringo Starr. Il est considéré comme le groupe le plus populaire et influent de l’histoire du rock. En dix ans d’existence et seulement sept ans d’enregistrement (de 1962 à 1969), les Beatles ont enregistré douze albums originaux et composé près de 200 chansons majoritairement écrites par le tandem Lennon/McCartney, dont le succès dans l’histoire de l’industrie discographique reste inégalé.
Après avoir débuté sous le signe du skiffle des années 1950, les Beatles ont rapidement fait évoluer leur style, se nourrissant de nombreuses sources pour inventer leur propre langage musical. Leurs expérimentations techniques et musicales, leur popularité mondiale et leur conscience politique grandissante au fil de leur carrière, ont étendu l’influence des Beatles au-delà de la musique, jusqu’aux révolutions sociales et culturelles de leur époque.
Au tout début des années 1960, Lennon, McCartney et Harrison deviennent populaires dans les clubs de Liverpool et de Hambourg en reprenant des standards du rock 'n' roll, mais Lennon et McCartney se sont également associés dès leur rencontre en 1957 pour écrire des chansons originales par dizaines, affinant progressivement leur technique.
En 1961, Brian Epstein devient leur manager, et les présente à des maisons de disques, sans succès dans un premier temps. L’année suivante, ils recrutent le batteur Richard Starkey, dit Ringo Starr, après avoir signé un contrat avec le label Parlophone dont le directeur artistique est George Martin, qui produit leur premier succès, Love Me Do, et occupera une place prépondérante à leurs côtés jusqu’à la fin du groupe. Ce titre lance leur carrière au Royaume-Uni à la fin 1962.
Après l’essor de la Beatlemania au Royaume-Uni et ensuite en Europe, les Beatles connaissent le succès en Amérique du Nord à partir de 1964, puis rapidement dans le monde entier. À partir de l’album Rubber Soul, en 1965, le groupe expérimente davantage et produit des albums aujourd'hui classiques à commencer par Revolver (1966), puis après avoir définitivement arrêté tournées et concerts pour entrer dans leur période appelée « les années studio », Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band (1967), The Beatles (l’« Album blanc ») (1968) et Abbey Road (1969). Après leur séparation en 1970, les quatre membres poursuivent une carrière solo, et tous rencontrent le succès, particulièrement dans les années immédiates suivant la fin du groupe.
Paul McCartney et Ringo Starr sont les deux Beatles encore en vie, après l’assassinat de John Lennon en et la mort de George Harrison en .
Les Beatles demeurent les artistes ayant vendu le plus grand nombre de disques au monde. Ce chiffre était estimé par EMI dans les années 1980 à plus d’un milliard de CD et vinyles vendus à travers la planète, et il a continué à augmenter durant les décennies suivantes, atteignant un chiffre supérieur à deux milliards,.
Tenant une place de premier plan dans la « bande-son » des années 1960, les chansons des Beatles sont toujours jouées et reprises dans le monde entier, et leurs mélodies ont été adaptées à de nombreux genres musicaux, dont le jazz, la salsa, le reggae ou la musique classique.
Biographie
Formation et débuts sur scène (1957-1962)
Des Quarrymen aux Beatles
« Rien ne m’a vraiment touché jusqu’au jour où j'ai entendu Elvis. S’il n'y avait pas eu Elvis, il n'y aurait pas eu les Beatles. »
? John Lennon
John Lennon est un adolescent de Liverpool élevé par sa tante « Mimi » ? Mary Elizabeth Smith de son vrai nom. Son père, Alfred Lennon (dit « Alf »), marin, a rapidement délaissé sa mère Julia Stanley ainsi que son enfant, John. Julia, qui n'a pas les moyens d’élever John seule, le confie à sa sœur Mimi. John joue de l’harmonica à partir de 1947 et dès qu’il découvre Elvis et le rock 'n' roll, John veut devenir musicien. Il apprend de sa mère les rudiments du banjo, grâce auxquels il transpose les accords sur une guitare empruntée d’un copain. Il se voit offrir par sa mère sa première guitare en 1957.
Aussitôt, en , alors âgé de seize ans, il forme un groupe de skiffle avec quelques amis de son lycée, le Quarry Bank High School. Initialement nommé The Blackjacks, le groupe change de nom après la découverte d’un autre groupe local se nommant déjà ainsi, et devient The Quarrymen. Le , Lennon et les Quarrymen donnent un concert pour la fête paroissiale de l’église St. Peter. À la fin du concert, Ivan Vaughan, un ami commun, présente Paul McCartney à Lennon. McCartney prend alors une guitare et joue Twenty Flight Rock d’Eddie Cochran devant Lennon, un peu éméché, mais néanmoins très impressionné. Quelques jours plus tard, Pete Shotton, autre membre des Quarrymen, propose à Paul de se joindre au groupe. Celui-ci, qui n'a alors que quinze ans, accepte.
En , McCartney invite son ami George Harrison à un concert des Quarrymen. Celui-ci joue de la guitare et est déjà doté d’une solide expérience ayant formé son propre groupe, the Rebels, avec son frère Peter et Arthur Kelly, un ami. Lennon lui fait passer une audition pour rejoindre le groupe, et est impressionné par ses talents, mais il estime qu’il est trop jeune ; il n'a alors que quatorze ans. Sur l’insistance de McCartney, George Harrison intègre le groupe comme guitariste soliste au mois de mars. En , les amis de lycée de Lennon ont tous quitté le groupe pour se consacrer à leurs études au Liverpool College of Art.
À trois - guitaristes et chanteurs - au sein d’une formation à géométrie variable qui s’appelle tour à tour « Japage 3 », « The Rainbows » et « Johnny and the Moondogs », avec ou sans batteur, ils se produisent dans des clubs de Liverpool. Ils jouent notamment au Jaracanda, un coffee-shop dirigé par Allan Williams, qui sert d’agent au groupe débutant. Ils se produisent également au Casbah, dirigé par Mona Best, la mère de leur futur batteur Pete Best. D’autres portes s’ouvrent ensuite, dont le Cavern Jazz Club, alors que le rock 'n' roll et le Merseybeat, les styles des groupes de Liverpool, deviennent populaires dans la ville.
Autodidactes, influencés par le rock 'n' roll et le blues noir américain, ils jouent les morceaux de rock du moment « à l’oreille », sans partitions. Toutefois, John Lennon et Paul McCartney s’associent déjà pour écrire ensemble des chansons, assis face à face avec leurs guitares dans une parfaite symétrie (McCartney étant gaucher), affinant peu à peu leur technique. Quelques-unes d’entre elles, comme One After 909, ressortiront sur les albums des Beatles des années plus tard. Ils partagent également un drame qui les rapproche : Paul McCartney a perdu sa mère Mary, décédée des suites d’un cancer du sein en 1956, tandis que la mère de John, Julia, est tuée en étant happée par une voiture, conduite par un policier possiblement ivre en juillet 1958,.
Un ami peintre de John Lennon, Stuart Sutcliffe, rejoint le groupe en . Alors qu’il a vendu un de ses tableaux, Lennon l’encourage à s’acheter une guitare basse. Sutcliffe suggère d’adopter le nom de « Beatals », en hommage au groupe accompagnant le rocker Buddy Holly, The Crickets (« les criquets »), ainsi qu’au film l'Équipée sauvage avec Marlon Brando, où il est question d’un gang du nom de « Beetles ». Ils utilisent ce nom jusqu’en mai, où ils adoptent celui de « Silver Beatles » et, du 20 au , accompagnent le chanteur pop de Liverpool Johnny Gentle pour une tournée en Écosse. Les membres du groupe se donnent pour l’occasion des noms de scène : Paul Ramon, Carl Harrison (en honneur de Carl Perkins), Stuart de Staël (pour Nicolas de Staël) et Johnny Lennon. Tommy Moore est recruté pour jouer de la batterie. En , ils adoptent définitivement le mot-valise « Beatles », formé à partir de beat (« rythme ») et beetle (« scarabées »), avant d’honorer leur premier contrat dans un club de Hambourg. Le 17 du même mois, cinq jours avant de partir pour l’Allemagne, ils auditionnent et engagent Pete Best comme batteur.
Séjours à Hambourg
Bruno Koschmider, propriétaire de l’Indra Club et du Kaiserkeller, deux clubs du quartier de Sankt Pauli à Hambourg, engage les Beatles sur les indications de leur agent Allan Williams. Celui-ci conduit le groupe jusqu’à la cité hanséatique avec sa camionnette, pour honorer un contrat de trois mois et demi. Pour satisfaire le public des clubs hambourgeois, les Beatles élargissent leur répertoire, donnent des concerts physiquement éprouvants, et, sauf pour Pete Best, recourent aux amphétamines pour rester éveillés. Les jeunes gens sont par ailleurs logés dans des conditions difficiles, voire quasiment insalubres.
En , lorsque Koschmider apprend que les Beatles se sont produits dans un club rival, le Top Ten Club (en), il met fin à leur contrat et dénonce Harrison aux autorités allemandes ; en effet, celui-ci a menti sur son âge, et se fait expulser en Angleterre à la fin novembre. McCartney et Best, qui tentent de récupérer leurs effets dans leur ancienne chambre peu éclairée, enflamment un préservatif accroché à un mur pour y faire de la lumière. Furieux, Koschmider les accuse d’avoir tenté d’incendier le logis, ils passent la nuit en prison et le lendemain se font également expulser,. En compagnie de Sutcliffe, Lennon reste en Allemagne une autre semaine avant de retourner en Angleterre où il se terre pendant une autre semaine avant de communiquer avec ses acolytes. Les Beatles effectueront quatre autres séjours à Hambourg : de mars à , d’avril à , puis en novembre et en . Entre leurs différents voyages en Allemagne, ils continuent à se produire à Liverpool et dans ses environs, se constituant un solide noyau de fans, mais restent inconnus au-delà du « Merseyside ». En , ils ne jouent que devant dix-huit personnes à Aldershot, dans la lointaine banlieue de Londres.
Stuart Sutcliffe, bassiste du groupe depuis le début de l’année 1960, maîtrise mal son instrument : il se produit généralement dos au public afin que cela ne se remarque pas et « joue » même parfois sans que son instrument soit branché à un ampli. Tombé amoureux de la photographe Astrid Kirchherr, qui prend les premières photos du groupe, il décide de rester à Hambourg lorsque ses camarades regagnent l’Angleterre début . Après le départ de Sutcliffe, Paul McCartney, jusque-là guitariste au même titre que John Lennon et George Harrison, devient le bassiste du groupe, ses deux camarades n'étant pas enthousiastes pour tenir ce rôle. Sutcliffe meurt à 21 ans le d’une congestion cérébrale, trois jours avant que les Beatles ne posent à nouveau le pied sur le sol allemand pour un nouvel engagement de sept semaines au Star-Club.
D'autres groupes de Liverpool se produisent à Hambourg, notamment Rory Storm and The Hurricanes, dont le batteur se nomme Ringo Starr. Les Beatles envient sa notoriété et apprécient sa compagnie. Les deux groupes partagent l’affiche de très nombreuses fois à Liverpool, et se retrouvent au Kaiserkeller du côté de la Reeperbahn pendant plus d’un mois en octobre et . Selon Paul McCartney, l’intérêt pour le groupe dans sa ville natale naît à leur retour de leur seconde résidence à Hambourg où ils ont acquis une solide expérience sur scène et élargi leur répertoire. Lors d’un concert, le , au Litherland Town Hall de Liverpool, salle municipale qui servait deux jours par semaine de dancing aux jeunes, au moment où le groupe se met à jouer, le plancher de danse se vide et l'assistance, abasourdie, se presse à la scène pour les écouter et les regarder. C’est à cette époque qu’ils adoptent une coupe de cheveux caractéristique, la moptop, qui se différencie de la banane ou des cheveux des rockers, gominés et peignés en arrière. Astrid Kirchherr (sous l’influence des existentialistes ou des étudiants en Beaux-Arts de cette ville) aurait été à l’origine de cette coupe de cheveux en bol lors de leur séjour à Hambourg. Elle aurait coiffé ainsi Sutcliffe, son amoureux. John Lennon et Paul McCartney l’ont ensuite adoptée, lors d’un court séjour à Paris en effectuée par Jürgen Vollmer, un ami photographe de Hambourg, devenu l’assistant de William Klein. Harrison suivra le pas mais Best, bien qu'il tente le coup, préfère garder sa coiffure gominée.
C’est aussi à Hambourg qu’ils décrochent leur premier contrat d’enregistrement, chez Polydor, en tant qu’accompagnateurs du chanteur et guitariste Tony Sheridan,. Le 45 tours My Bonnie / The Saints crédité à « Tony Sheridan and The Beat Brothers » est publié en Allemagne en mais publié en Angleterre le cette fois au nom de « Tony Sheridan and the Beatles ». Cry for a Shadow est la première chanson originale du groupe à être publiée lorsqu’elle apparaît, en , sur le super 45 tours français de Sheridan intitulé Mister Twist. Les huit chansons tirées de ces séances seront compilées en sur le disque allemand The Beatles' First ! et du même coup éditées en singles un peu partout dans le monde.
« J'ai grandi à Hambourg, pas à Liverpool », dira plus tard John Lennon. Évoquant cette période des débuts, il racontera aussi : « Quand les Beatles déprimaient et se disaient : « On n'ira jamais nulle part, on joue pour des cachets merdiques, on est dans des loges merdiques », je disais : « Où va-t-on, les potes ? », et eux : « Au sommet, Johnny ! », et moi : « C’est où ça ? », et eux : « Au plus top du plus pop ! » (to the toppermost of the poppermost), et moi « Exact ! » Et on se sentait mieux ». Par ailleurs, nostalgique de cette époque « cuir », on entend aussi John Lennon expliquer dans le disque Anthology 1 : « Ce que nous avons fait de meilleur n'a jamais été enregistré. Nous étions des performers, nous jouions du pur rock (straight rock) dans les salles de danse (dance halls), à Liverpool et à Hambourg, et ce que nous produisions était fantastique. Il n'y avait personne pour nous égaler en Grande-Bretagne (There was nobody to touch us in Britain) ».
En 2008, Hambourg a dédié une place de la ville en hommage au groupe.
Apport décisif de Brian Epstein
Le , moins d’une semaine après la sortie du 45 tours My Bonnie en Allemagne, Raymond Jones, un jeune client du North End Music Store (NEMS), visite la boutique de musique de Brian Epstein et veut acheter ce single en importation. Deux jeunes filles font de même les jours suivants. Epstein contacte donc Polydor et en commande deux cents exemplaires. À leur retour d’Allemagne, après leurs deux premiers séjours formateurs à Hambourg, les Beatles ont acquis la maturité qui leur manquait, techniquement d’abord, sur scène ensuite. Brian Epstein est intrigué par ce groupe local dont il a le 45 tours en magasin et qui figure souvent dans le Mersey Beat, le journal musical local de Bill Harry, lequel se vend comme des petits pains dans sa boutique. Le , accompagné de son assistant Alistair Taylor, il va voir les Beatles au Cavern Club de Liverpool, le café souterrain où ils se produiront près de 300 fois jusqu’au . Disquaire à l’origine, Epstein n'a aucune expérience comme manager de formation musicale, mais connaît quelques-uns des à-côtés qui mènent à la popularité d’un artiste et rêve d’une carrière dans le monde du spectacle. Il propose au groupe de devenir leur manager et un contrat est signé le ,,, Epstein devient rapidement un mentor et un ami ; il les propulse au rang de musiciens professionnels. Afin de gommer leur image de sauvages, il leur fait abandonner les vêtements en cuir au profit de complets-vestons, comme les professionnels de l’époque.
En , Epstein apprend que le groupe a quelques chansons originales en poche mais tarde à les jouer régulièrement sur scène. Il n'est pas clair si c'est leur manager qui les a encouragé à les jouer, mais c'est à partir de ce moment que les Beatles intègrent ces chansons dans leur répertoire. Le , le groupe organise The Beatles' Christmas Party au Cavern Club, invitant Gerry and the Pacemakers et King-Size Taylor and the Dominos à partager la scène. Pete Best est absent, malade à la maison, alors le groupe fait appel pour la première fois à leur ami Ringo Starr afin de le remplacer. Les trois musiciens sentent aussitôt que le batteur complète bien le groupe à sa façon de jouer et à son attitude hors scène. S'ils sont tentés de se départir de Pete Best à ce moment, la décision devra attendre car Starr quitte les Hurricanes pour aller jouer dans le groupe de Tony Sheridan à Hambourg jusqu'en février. À son retour, Starr reprend sa place dans le groupe de Storm mais remplacera Best encore à quelques reprises : deux fois en mars et une troisième fois, un midi au Cavern Club, le mois suivant.
Dès 1961, Brian Epstein commence à prospecter auprès des maisons de disques de Londres, afin de tenter de leur faire signer un contrat d’enregistrement, multipliant sans succès les tentatives auprès des grandes compagnies discographiques. Il essuie des refus, entre autres de la compagnie EMI, mais réussit tout de même à obtenir, pour son groupe, une audition chez Decca. Le , les Beatles, très nerveux, enregistrent quinze titres dans ce studio très froid et le résultat est bien en deçà des attentes. Le directeur artistique Dick Rowe refuse de les prendre en main, préférant faire signer le groupe local Brian Poole and the Tremeloes, en déclarant : « Rentrez chez vous à Liverpool, M. Epstein, les groupes à guitares vont bientôt disparaître ». Rowe sera par la suite surnommé, dans le milieu, the man who turned down The Beatles, « l’homme qui rejeta les Beatles ». En revanche, Epstein obtient la permission de garder ces enregistrements de bonne qualité sonore, pour pouvoir les faire écouter à d’autres producteurs potentiels. Il se rend au magasin de disques HMV sur Oxford Street pour demander conseil à une connaissance qui y travaille et celui-ci lui suggère de faire presser des disques 78 tours de ces chansons pour pouvoir facilement les faire écouter à des producteurs potentiels. Le technicien Jim Foy, qui s'occupe sur place de ce département, est impressionné par ce qu’il y entend et contacte Sid Coleman, de l’agence de publication de musique Ardmore and Beechwood associée à EMI, qui se situe dans le même immeuble, pour lui faire rencontrer Epstein.
Brian Epstein présente donc ces enregistrements à Coleman, en veillant à lui mentionner qu’ils contiennent quelques compositions originales. L'éditeur reconnait le potentiel d’une publication des compositions signées Lennon/McCartney et Epstein promet de lui donner les droits s’il l’aide à décrocher un contrat d’enregistrement. Un rendez-vous est pris avec George Martin le , pour lui faire écouter Hello Little Girl et Till There Was You et ce malgré le refus préalable de la maison-mère. Mais Martin n’est pas particulièrement impressionné par ce qu’il entend.
Entre-temps, Kim Bennett ? de son vrai nom Thomas Whippey, ancien chanteur de charme et assistant de Sid Coleman ?, persiste à dire à son patron que la chanson Like Dreamers Do pourrait être un succès. Ils décident de produire eux-mêmes l’enregistrement dans les studios d’EMI, mais se heurtent au refus de Len Wood, un des directeurs. Cependant, devant l’insistance de Coleman, Wood se ravise et ordonne au producteur George Martin de procéder à l’enregistrement de la chanson, pour qu’Ardmore and Beechwood obtienne le copyright.
Le , un télégramme envoyé par Epstein à Hambourg, annonce au groupe qu’ils auront un contrat d’enregistrement avec EMI. Aussitôt Lennon et McCartney achèvent l’écriture de Love Me Do et créent P.S. I Love You. Le , exactement six mois après avoir vu les Beatles pour la première fois au Cavern Club, Brian Epstein rencontre George Martin pour valider le contrat. Il y est stipulé que six chansons seront enregistrées par EMI, qui financera le tout. Le label sera le propriétaire des enregistrements, mais ne donnera aucune avance sur les redevances (fixées à 1 penny par 45 tours vendu, sur 85 % des ventes). Le contrat a une durée de 4 ans pour le groupe, mais d’un an pour EMI, renouvelable à chaque anniversaire, et est valable pour le monde entier, mais avec des redevances réduites de moitié par rapport à celles perçues en Angleterre. Dans les faits, si par « miracle » le groupe vendait un million d’exemplaires d’un single, ses royalties seraient de 750 £ au Royaume Uni, et de 375 £ aux États-Unis,, pour chaque membre du groupe et leur manager. Le , Brian Epstein signe le contrat liant les « Beattles » à EMI (il fait une rature sur le second « t »). La date inscrite sur le contrat est le .
De cette époque « avant la gloire », des enregistrements rares et marginaux des Beatles ont été très recherchés, notamment ceux qu’ils ont réalisés à Hambourg, publiés par Polydor avec Tony Sheridan, ainsi que les fameuses « bandes Decca ». My Bonnie et Ain't She Sweet ont même atteint les charts de part et d’autre de l’Atlantique pendant la Beatlemania,,. Ces deux titres et Cry for a Shadow ont été inclus, trois décennies plus tard, sur la compilation Anthology 1. Un enregistrement bootleg réalisé en 1962 sur la scène du Star-Club de Hambourg, avec Ringo Starr à la batterie, a été publié en 1977.
George Martin entre en scène
Le , en début d’après-midi, quatre jours après être revenus de Hambourg où ils honoraient un engagement au Star-Club (leur troisième séjour dans la ville allemande), Lennon, McCartney, Harrison et Best arrivent aux studios EMI de Londres, situés au 3, Abbey Road dans le quartier de St. John's Wood pour leur test d’artistes. C’est leur première visite dans ces studios, qu’ils vont rendre mondialement célèbres. Ron Richards sera le producteur lors de la séance et Martin interviendra de temps à autre. Ils enregistrent Bésame mucho, Love Me Do, PS I Love You et Ask Me Why, mais pas Like Dreamers Do qui n’y sera finalement jamais réenregistrée par eux,. Lorsque le groupe est invité pour la première fois dans la régie pour écouter les bandes, George Harrison raconte : « Les autres membres du groupe ont failli me tuer lorsque George Martin? nous a demandé : « Y a-t-il quelque chose qui ne vous plaît pas ? » Je l’ai regardé et j'ai dit : « Pour commencer, je n'aime pas votre cravate ». » Mais George Martin, qui avait lui aussi le sens de l’humour, est amusé par la réplique. « Ça a brisé la glace ! », note-t-on du côté du personnel technique des studios EMI.
Les semaines suivant cette première séance, George Martin et son assistant Ron Richards discutent encore du nom du groupe : « John Lennon and the Beatles » ou encore « Paul McCartney and the Beatles » - bien que ce nom « entomologique » ne leur plaise pas. Comme le groupe est composé de trois chanteurs qui jouent leurs propres instruments, Martin réalise qu’avoir simplement le nom « The Beatles » est une nouveauté dans la musique populaire et que celui-ci fera parfaitement l’affaire.
La chanson Love Me Do plaît à Richards, mais il n’aime pas le jeu de Pete Best qui peine à garder un tempo constant. Martin est d’accord et écrit à Epstein qu’à la prochaine séance, il y aura un batteur studio. Craignant de devoir toujours enregistrer avec des batteurs inconnus, les trois autres membres saisissent l’occasion et se séparent de Best en , pour le remplacer par Ringo Starr, qu’ils considèrent être « un métronome » et avec qui les affinités sont plus grandes. Le 18 août, Starr prend officiellement son poste à la batterie au Hulme Hall dans le village de Port Sunlight. Cette éviction abrupte, actée par un Brian Epstein très nerveux et déçu, n'est pas sans conséquences. George Harrison explique : « On avait joué au Cavern Club et les gens hurlaient « Pete is best » (« Pete est meilleur ! », jeu de mots avec « best » en anglais), « Ringo never, Pete forever ! » (« Ringo jamais, Pete à jamais ! »). C’était devenu lassant, et je me suis mis à les engueuler. Après le concert, nous sommes sortis des loges, nous sommes entrés dans un tunnel tout noir, et quelqu’un m’a balancé un coup de poing au visage. Je me suis retrouvé avec un œil au beurre noir. Qu’est-ce qu’il ne fallait pas faire pour Ringo ! »
La seconde séance d’enregistrement s’effectue le . Martin décide de ne pas inviter de batteur studio pour pouvoir entendre le nouveau venu. À sa toute première séance dans un studio professionnel, Starr est très nerveux et ne l’impressionne pas. Le groupe enregistre How Do You Do It? (chanson imposée par le producteur et que le groupe n'aime guère) puis réenregistre Love Me Do. Une semaine plus tard, le 11, le groupe revient en studio mais ce sera Andy White qui officiera à la batterie. Le groupe reprend une troisième fois Love Me Do, enregistre ce qui deviendra la face B de leur premier single, P.S. I Love You, et présente à Martin une nouvelle chanson, Please Please Me. C’est un Ringo Starr dépité qui joue du tambourin sur Love Me Do et des maracas sur PS I Love You ; il n'a jamais oublié cette « humiliation »,,. Malgré les réticences de Martin, c’est l’enregistrement avec Ringo Starr à la batterie qui est publié en face A du 45 tours réunissant ces deux titres,, tandis que la version figurant sur l’album est celle enregistrée avec Andy White, qui joue également du « cross-stick » sur PS I Love You, après qu’il a été convenu qu’une batterie complète n'était pas nécessaire pour cette chanson. À l’écoute de Please Please Me, qui est effectuée avec un tempo lent dans le style de Roy Orbison, le producteur suggère de l’accélérer, et sera reprise plus tard.
Amer de son éviction des Beatles, Best refuse l’aide d’Epstein pour se trouver un nouveau groupe et intègre le Lee Curtis and the All Stars. En 1965, il sort son propre album au titre mensonger en forme de clin d’œil grinçant : Best of The Beatles, avec le Pete Best Combo ; sur la photo de la pochette, prise par Astrid Kirchherr au « Hugo Haase Fun Fair » à Hambourg en 1960, il est entouré de ses ex-camarades. Ce disque n'a pas le succès escompté et Best quitte le monde musical et devient boulanger pour ensuite travailler dans la fonction publique à Liverpool.
La Beatlemania (1963-1966)
Premier album et début de la Beatlemania (1963)
Le , sort Love Me Do, qui n'atteint que le 17e rang au palmarès britannique. Ce n'est pas encore la « Beatlemania », mais il s’agit là d’une grande satisfaction pour le groupe, particulièrement au moment où le titre passe de plus en plus à la radio. Leur deuxième 45 tours, Please Please Me / Ask Me Why, est mis en boîte le , cette fois avec Starr derrière sa batterie. Le groupe doit quitter l'Angleterre pour un dernier séjour à Hambourg où un enregistrement bootleg sera effectué et publié en 1977 sous le titre Live! at the Star-Club in Hamburg, Germany; 1962. Leur second 45 tours est publié le et la face A, malgré un titre et des paroles osées pour l’époque (« You don't need me to show the way, love », que l’on peut traduire par « tu n'as pas besoin que je te montre comment faire, chérie »), est propulsé au premier ou au second rang, dépendamment des listes consultées. Quoi qu’il en soit, le succès est indéniable, et les Beatles obtiennent ainsi l’occasion d’enregistrer un album complet. Ce disque inclura les quatre chansons publiées en single et dix autres qui seront enregistrées lors d’une seule séance de 585 minutes (9 heures et 45 minutes), le . Reprenant le titre du dernier single, l’album Please Please Me sort le et atteint la première place du hit-parade, qu’il conserve durant 30 semaines (ou sept mois).
Partie de Liverpool ? où ils continuent jusqu’en à enflammer le Cavern Club ?, la popularité des Beatles se répand dans tout le Royaume-Uni, qu’ils sillonnent inlassablement, y effectuant quatre tournées cette année-là. Les succès se suivent : From Me to You en avril, puis She Loves You en août, sont classés no 1 des ventes de singles. She Loves You et son fameux « Yeah Yeah Yeah! » rend les Beatles célèbres dans toute l’Europe. Leur passage, le , dans le très populaire show télévisé londonien Sunday Night at the Palladium marque le début du phénomène que la presse britannique baptise la « Beatlemania ». Disquaires pris d’assaut, presse déchaînée, ferveur généralisée, jeunes filles en transe? Le groupe va aligner douze no 1 successifs dans les charts britanniques de 1963 à 1966, jusqu’à la publication en du single « double face A » Strawberry Fields Forever / Penny Lane, qui se classe « seulement » no 2 (mais tout de même premier aux États-Unis).
L’image soignée et professionnelle du groupe passe aussi par la création d’un logo rapidement reconnaissable. Un premier logo des Beatles, en lettres cursives avec des antennes d’insecte sur un « B » stylisé, dessiné par Terry « Tex » O'Hara,, suivant les indications de Paul McCartney, est momentanément utilisé sur la grosse caisse de la batterie, puis pour la page d’introduction de The Beatles Book, le journal mensuel du fan club officiel, tout au long de son existence (1962-1972). Ce logo, adapté en « les Beatles », se retrouve sur les pochettes françaises de plusieurs EP et de quatre albums (Les Beatles, N° 1, Quatre garçons dans le vent et la compilation Les Beatles dans leurs 14 plus grands succès).
En , Brian Epstein et Ringo Starr visitent la boutique Drum City de Londres pour remplacer la batterie Premier du batteur. Epstein, qui ne veut pas débourser les 238 £ de la Ludwig Downbeat perlée que Starr désire (une valeur de 5 017 £ en 2020), négocie avec Ivor Arbiter, le propriétaire de la boutique. Ce dernier accepte finalement d'offrir la batterie, à condition que le logo de Ludwig ? dont il est le distributeur britannique exclusif ? reste visible sur la grosse caisse. Epstein accepte, tout en demandant qu'un logo du groupe soit ajouté. Arbiter esquisse sur le champ le logo le plus connu, en lettres capitales avec un « B » majuscule et un « T » abaissé pour mettre en évidence le mot « Beat » (rythme). Le logo sera finalisé et peint sur la membrane par Eddie Stokes, un peintre en lettres local. Le , la nouvelle batterie est directement livrée aux Alpha Television Studios de Birmingham, où les Beatles se produisent dans l’émission Thank Your Lucky Stars. Entre 1963 et 1969, sept membranes avec ce logo sont produites pour la batterie de Ringo Starr, peintes à la main (dont les quatre premières par Stokes), chacune possédant des différences notables,,.
Le , les quatre musiciens de Liverpool se produisent devant la famille royale au Prince of Wales Theatre de Londres, pour le Royal Command Performance, où un John Lennon irrévérencieux, avant de se lancer dans l’interprétation de Twist and Shout, dit au public dans l'hilarité générale : « On the next number, would those in the cheaper seats clap your hands? All the rest of you, if you'll just rattle your jewelry! » (« Pour notre prochain titre, est-ce que les gens installés aux places les moins chères peuvent frapper dans leurs mains ? Et tous les autres, veuillez agiter vos bijoux ! »).
En 1963, John Lennon et Paul McCartney écrivent tout le temps, en n'importe quel endroit, dans le bus qui les amène d’un lieu de concert à l’autre, dans leurs chambres d’hôtel, dans un coin des coulisses avant de monter sur scène, dans l’urgence avant d’enregistrer, quelquefois en une seule prise, autant de titres qui vont marquer leur histoire et celle de la musique rock.
En tête des ventes d’albums, Please Please Me n'est remplacé à la première place que par le deuxième album du groupe, With the Beatles, publié le . Ces deux disques sont exportés aux États-Unis respectivement sous les noms de Introducing? The Beatles, paru chez Vee-Jay Records, et Meet The Beatles, publié par Capitol Records. Dans un premier temps, la maison de disques américaine associée à EMI affiche un mépris pour ce qu’elle pense n'être qu’un phénomène passager : Capitol tarde à publier les disques du groupe, raccourcit la liste des chansons, modifie l’ordre des pistes, invente de nouvelles pochettes, et va jusqu’à modifier le son de certaines chansons (ajout de réverbération, mixages stéréo inédits). Le 45 tours, I Want to Hold Your Hand, est leur premier no 1 sur le marché américain et y reste du 1er février au . Il sera détrôné par She Loves You du 21 au , suivi de Can't Buy Me Love du au . Le classement du Billboard Hot 100 du aux États-Unis fait apparaître cinq titres des Beatles aux cinq premières places : la « Beatlemania » qui avait débuté au Royaume-Uni et traversé la Manche se propage de l’autre côté de l’Atlantique, et dans le monde entier.
Analyse du phénomène
La « Beatlemania » est un phénomène d’ampleur considérable et à plusieurs facettes. La jeunesse prend goût à se coiffer et s’habiller « à la Beatles », comme en témoignent les photos de l’époque prises dans les rues. Ils deviennent des trend-setters, expression anglophone que l’on peut traduire en français par « faiseurs de mode » ou « meneurs de tendances ». Les disquaires se spécialisent sur la discographie des Beatles, et pour mieux gérer ses stocks, la société EMI / Parlophone propose la pré-souscription des albums et des singles à suivre, même s’ils sont encore à l’état de projet. Les pré-commandes atteignent dès lors des sommets inouïs : par exemple, 2,1 millions pour Can't Buy Me Love en 1964.
Des magazines spécialisés fleurissent, comme le célèbre Beatles Monthly (aussi connu sous le nom de Beatles Book, 77 éditions de 1963 à 1969, intégralement republiées de 1977 à 1982) et se vendent comme des petits pains. L’atmosphère hystérique des concerts rend parfois ceux-ci presque inaudibles. Le premier ministre britannique, Harold Wilson, remarque néanmoins que ces artistes constituent pour le pays une excellente exportation, notamment en termes d’image : celle de jeunes gens souriants, polis, bien habillés, et pleins d’un humour très britannique lors des interviews. Ils sont décorés par la reine du Royaume-Uni, le à Buckingham Palace, de la médaille de membre de l’Empire britannique (Member of the British Empire, ou MBE). Certains MBE ? dont plusieurs sont des vétérans et des chefs militaires ?, froissés, renvoient par dépit leur propre croix à la Reine. John Lennon réplique qu’il préfère recevoir cette distinction en divertissant. Il s'agit en fait de la plus basse des décorations, les vrais honneurs officiels arriveront beaucoup plus tard, quand James Paul McCartney sera fait chevalier en 1997 et Richard Starkey, alias Ringo Starr, en 2018. Extrêmement liés, par le simple fait qu’ils sont les seuls à « vivre la Beatlemania de l’intérieur », considérant se trouver dans l’œil du cyclone, et voyant tout le monde s’agiter frénétiquement autour d’eux, se soudant autant que possible, très amis, les Beatles se voient affublés, par Mick Jagger, du surnom de « monstre à quatre têtes ».
Dans les années 1960, l’industrie musicale est en pleine expansion. Désormais, il est possible de donner des concerts dans des salles de plus en plus grandes. À la télévision, les émissions sont de plus en plus regardées par un public familial. Les Beatles participent dès 1963 à de nombreux shows avec les animateurs les plus populaires de la télévision britannique et bientôt nord-américaine. Ils seront les premiers musiciens à passer dans une émission diffusée en mondovision, le , avec la chanson All You Need Is Love. À partir de 1965, les Beatles ne chantent pratiquement plus qu’en playback à la télévision. McCartney s’en explique : « Nous faisons un très important travail de studio, corrigeant inlassablement la moindre imperfection avec une précision maniaque. Pas question d’offrir aux téléspectateurs, alors que ce son existe, un autre son déformé par les mauvais studios des plateaux de télévision ». Toujours en 1965, les Beatles prennent la résolution de ne plus donner d’autographes : « Nous n'avons tout simplement pas assez de bras, et nous devons tout de même pouvoir utiliser nos guitares de temps en temps ! ».
Les Beatles mêlent aux standards du rock comme Kansas City des chansons susceptibles de plaire à la génération précédente : Till There Was You, You've Really Got a Hold on Me ou Bésame mucho (qui reste dans les cartons). Ces chansons font d'ailleurs partie du répertoire des Beatles depuis Hambourg. Pour que le groupe ne soit pas catalogué comme « mods » et perde le public des « rockers », Brian Epstein a une idée : retrouvant un moment le cuir de leurs débuts, les Beatles sortent un EP de quatre titres de rock pur et dur (Matchbox, I Call Your Name, Long Tall Sally et Slow Down), qui devient le « disque des initiés » et montre « ce que les Beatles savent vraiment faire quand ils le veulent ». Satisfaits par cet « os à ronger », les rockers ne dénigrent plus les Beatles eux-mêmes, mais les fans qui achètent leurs autres disques en ne sachant pas ce qu’est la « vraie » musique des Beatles. Pour se concilier ce public ? mais aussi pour se faire plaisir ? la présence d’un « standard du rock » devient un « incontournable » des albums suivants.
Dans le film A Hard Day's Night, tourné en noir et blanc ? pour économiser sur les coûts mais aussi pour masquer le fait qu’ils n'ont pas la même couleur de cheveux ? et réalisé par Richard Lester, les Beatles orchestrent habilement leur propre légende, avec un humour très britannique. Cet humour devient délirant avec le film suivant, Help!, sorti à l’été 1965, en couleurs, où les Beatles se moquent d’eux-mêmes. On va jusqu’à les comparer aux Marx Brothers, ce que John estime excessif. Plus tard, George Harrison, quant à lui, noue une solide amitié avec Eric Idle et l'ensemble des Monty Python, allant jusqu’à financer leur film La Vie de Brian. L’humour britannique est par ailleurs une composante majeure des Beatles. Ceux-ci, notamment dans le film A Hard Day's Night, n'hésitent pas à rivaliser de bons mots. À la question : « Comment avez-vous trouvé l’Amérique ? », les membres du groupe répondent : « Tournez à gauche au Groenland ! ».
John Lennon avait soigné son personnage avant-gardiste en écrivant en 1964 et 1965 deux livres de courtes nouvelles dans un style imagé et surréaliste, In His Own Write, puis A Spaniard in the Works. La critique de l’époque ne leur fait pas bon accueil, mais le premier a été traduit en français par Christiane Rochefort sous le titre « En flagrant délire », publié en 1965.
Entre-temps, le fan club des Beatles travaille à fidéliser un réseau de fans auxquels on concède dans le Beatles Book des bonus, notamment des photos inédites, et des disques hors commerce offerts à Noël. Un disque de Noël sortira ainsi chaque année durant les fêtes, de 1963 jusqu’en 1969.
Passage à Paris (1964)
À l’avènement de leur gloire internationale, c’est à l’Olympia de Paris et durant trois semaines du 16 janvier au , à raison d’un, deux ou trois shows quotidiens, soit 41 apparitions en tout, que les Beatles ont joué le plus longtemps au même endroit (en excluant leurs prestations au Star-Club de Hambourg et au Cavern Club de Liverpool). Après un « tour de chauffe » au cinéma Cyrano à Versailles le , ils donnent leur premier spectacle à l’Olympia le lendemain. L’affiche est imposante et donne tout son sens au mot « Music-hall ». Daniel Janin et son orchestre, les Hoganas, Pierre Vassiliu, Larry Griswold, Roger Comte, Gilles Miller et Arnold Archer, acrobates, jongleurs, humoristes, chanteurs se succèdent sur la scène avant la deuxième partie du spectacle avec les trois têtes d’affiche au fronton du Boulevard des Capucines : Trini Lopez, Sylvie Vartan et les Beatles, passant à chaque fois en dernier.
Les passages des Beatles sont assez courts puisqu’ils ne jouent à chaque fois que huit titres : From Me to You, Roll Over Beethoven, She Loves You, This Boy, Boys, I Want to Hold Your Hand, Twist and Shout, Long Tall Sally. La surprise pour eux, c’est que la salle est composée en majorité de garçons, et qu’ils n'entendent pas, pour une fois, les cris féminins stridents qui les accompagnent d’habitude. Au fur et à mesure, et malgré quelques incidents techniques au début, les Beatles conquièrent leur public. Durant leur séjour à Paris, les jours de relâche leur permettent d’aller faire un tour aux studios Pathé-Marconi de Boulogne-Billancourt. Le 29 janvier, ils y enregistrent leurs deux titres en langue allemande : Komm, gib mir deine Hand / Sie liebt dich (adaptés de I Want to Hold Your Hand et She Loves You). Le premier est entièrement réenregistré, voix et instruments (en 14 prises) ; le second n'est qu’un ajout vocal sur leurs propres pistes instrumentales. Le même jour, ils mettent également en boîte un nouveau tube composé par Paul : Can't Buy Me Love.
C’est aussi à Paris que les Beatles apprennent qu’ils viennent de décrocher leur premier no 1 aux États-Unis : I Want To Hold Your Hand. Cette nouvelle provoque une grande scène de joie collective dans leur chambre du George-V ; Mal Evans raconte : « Quand je suis rentré dans la pièce je suis resté stupéfait. Debout sur un fauteuil, John prononçait une sorte de discours dont je n'arrivais pas à saisir un mot. George donnait des bourrades à Ringo et je me demandais encore ce qui se passait quand Paul me sauta sur le dos ! Ils étaient heureux comme des collégiens en vacances et, à la réflexion, je reconnais qu’il y avait de quoi ». Pendant ce séjour, John Lennon et Paul McCartney poursuivent par ailleurs le travail de composition pour leur futur album, A Hard Day's Night ; un piano a spécialement été installé à cet effet dans leur chambre de l’Hôtel George-V.
Le groupe pose également pour le sculpteur David Wynne (en) qui créera deux œuvres : leurs têtes, qu’il place une par-dessus l’autre, et des figurines du quatuor en spectacle avec leurs instruments. C’est la seule occasion où ils seront modèles pour un sculpteur et celui-ci, qui deviendra rapidement un ami, présentera plus tard George Harrison au Maharishi Mahesh Yogi. Les œuvres sont achetés par Sir Edward Beddington-Behrens pour 4 200 $US,.
À la conquête de l’Amérique (1964-1965)
Top Titres
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